Alice s’est perdue au Pays des Merveilles. The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn.
Il était une fois une jeune fille. Une enfant à la beauté d’émeraude. Un
visage de porcelaine. Une peau semblant continuellement vêtue de soie. Un visage
candide aux expressions et au regard innocents, ingénus.
Elle s’appelait Jesse, étymologiquement, le « don ».
Elle s’exilait en « ville lumière », là où l’on
dit ne jamais dormir, à l’image des monstres qui la hantent.
Jesse y rencontra une reine, une reine en son domaine.
Cette prêtresse rousse lui offrit deux choses : le rêve et la
reconnaissance.
La jeune fille s’en para comme de ses plus beaux atours,
comme de ses plus beaux joyaux. Elle les porta le menton relevé, le regard plus
assuré.
Puis, vint le jour où elle rencontra, au détour d’une
scène sombre et de formes triangulaires, son reflet, sa propre beauté. Alice
devint Narcisse, embras(s)ant son doppelgänger d’un feu nouveau. L’incendie se
répandit, la fumée alertant, à la fois les comtes à la recherche de princesses,
et les loups à la recherche de chair fraîche, lassés du lait caillé et des
repas sautés.
Jesse, toujours plus avide de ce sang ocre que l’on nomme
« admiration », suivit les pas feutrés des monstres de la forêt. De
ceux qui ne pouvaient plus l’effrayer tant,d’elle-même, de ses propres armes,
elle était assurée.
Notre princesse pénétra l’enceinte du château sans
prendre garde aux broches acérées qui en surplombaient le portail.
La sorcière l’y attendait, à la fois paisible et enragée,
à la fois passionnée et rebutée. De sa beauté elle rêvait, de son baiser elle
tenta de lui voler.
Jesse état aveuglée, aveuglée par sa propre projection, d’un
pas elle tomba dans les mailles du filet qui l’enlacèrent et la déchirèrent jusqu’au
soubresaut ultime.
Les loups vinrent déguster jusqu’à la dernière goutte du
liquide épais, de l’essence de la beauté ?
Quand je pris mon ultime cliché, je compris tout, de leur
festin à leur beauté retrouvée, de leur trop plein à leur « encore »…
J’appuyai néanmoins sur le déclencheur, car qu’est-ce que
la beauté sinon un talent inespéré ? Qu’est-ce que l’art sinon un
déglutissement perpétuel des œuvres déjà ingérées ? Le vrai génie ne
serait-il pas celui capable de digérer brillamment le pain dont on l’a toujours
nourri ? Où serait-ce celui qui naît avec une fibre, un gène de plus, et
que l’on nomme grossièrement, beauté ?
The Neon Demon,
De Nicol Winding Refn
Sortie le 08 Juin 2016.
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