A l’autre bout du tunnel


« J’ai rêvé d’un tunnel rouge qui se cassait en deux. »


Jeanne Moreau chantait le « Tourbillon de la Vie », Noé hurle que « le temps détruit tout ».
Les faits s’enlacent et se fracassent dans une continuité discontinue. On court vers des événements dont on est pourtant parfois amené à deviner la violence. Mais que faire d’autre ? La vie est un cycle qui exclut la marche arrière. Alors sur son autoroute, on tente d’allumer les phares de l’amour, de les faire briller dans la nuit crasseuse et effrayante. On s’enlace, on se touche du bout des doigts, comme si l’après n’existait pas. Comme si la passion réprimerait son penchant pour la violence. 

La crasse et la laideur m’ont sauté à la gorge, ont entravé mon souffle, caressé mes entrailles. Puis j’ai vu le jour, l’amour, les corps et les espoirs. La lumière au bout du tunnel. La pellicule était coupée en deux, maintenu par un liant sordide, cataclysmique, apocalyptique. Un moment interminable dans une vie définie. Des couloirs rouges, une bête, une proie. Tout était écrit, et c’est là ce qui effraie le plus. Toujours cette incapacité à faire demi-tour.   

Le tunnel était la métaphore parfaite de nos vies. Il nous faut le franchir, en trouver le bout, tout en sachant à quel point il sera jonché d'obstacles qu'il nous faudra affronter, car la possibilité d'enjamber n'existe malheureusement pas. 

Les cicatrices, comme les événements sont irréversibles. Ce sont les ingrédients de notre existence, au même titre que les grandes passions qui embrasent, mais laissent seul le soir. 

« L’Homme est un loup pour l’Homme ». Dans le grand zoo de nos vies, nous sommes des bêtes capables du meilleur, le don de la vie, comme du pire, le don de la mort. Nous croyons à la vengeance, nous nous pensons Herculéens, capables d’inverser le cours des choses. Nous réprimons, nous luttons mais… Les faits sont là, violents, intraitables, inévitables. Irréversibles.  


Irréversible,
De Gaspar Noé.
Sortie le 24 mai 2002.


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