Insaisissable souvenir d'une œuvre qui n'a d'écho que si elle est vécue... A Ghost Story, de David Lowery

A Ghost Story, de David Lowery, ou l'insaisissable souvenir d'une œuvre qui n'a d'écho que si elle est vécue... 


Je voudrais que les mots courent sur ce papier avec autant d'aisance que courent les images de "A Ghost Story" dans mon esprit, même si je sais que c'est impossible.

Dans une envolée aussi délicate que déchirante, le silence devint tout à coup une splendide entité qui porta une salle entière, au souffle coupé et aux membres tremblotants. Je fais peut-être de ce que j'ai ressenti une généralité, mais peu importe, car je sais que parmi ceux qui parcourront ces lignes, certains y trouveront une résonance. Du moins je l'espère.
Expérience en dehors de tout, affranchie de tout, où la véracité transparaît, de façon lyrique et poétique, à chaque plan, offrant une démonstration si profondément organique et sensorielle. La texture, la lumière et la couleur de l'image n'ont d'égal que la mise en scène affûtée qui fait de la vie (qui comprend aussi la mort) une histoire en soi.

Transmettre la vie, transmettre le vécu, c'est, pour David Lowery, la force de s'attarder sur des gestes et des regards qui, malgré leur simplicité car leur évidence, deviennent des sommets de justesse et d'émotion. Justesse car, la beauté de son regard à lui réalisateur, c'est d'être toujours foncièrement pudique et personnel (comment devenir universel autrement ?).

Le temps, l'être et la trace. Le temps tel un vertigineux cycle infini où la poussière infime qu'est l'être humain se débat, pour laisser une trace, aussi infime et dissimulée soit-elle. Trace qui devient un bouleversant, mais sourd, écho à travers les décennies. Et c'est sûrement là à la fois, notre peur commune, et notre particularité à chacun comme le suggère si habilement et doucement Lowery. S'accrocher, dans l'espoir de rester.
Deuil, souvenir et espace. Déchirant, le film l'est également dans sa capacité à capturer, à saisir la mémoire des murs au sein d'un espace qui revêt une importance hypnotique (une maison dont on n'oubliera aucune pièce...). Les murs qui sont, à la fois fondations, et témoins vibrants des âmes qui les parcourent.

Tous ces thèmes, une fois de plus, ne seraient rien sans la vision d'un cinéaste qui choisit l'épure de la "simplicité" pour dévoiler la beauté et la pureté justement.
Les mots sont tellement fragiles face à une œuvre si dense, mais en même temps si homogène, si intelligemment ramassé. En cela que l'ensemble obéit à une force unique et transcendante (dont on peine à saisir l'essence, comme dans toute œuvre marquante), ce qui lui permet de toucher (du doigt de l'homme ou du fantôme) au sublime.
Ne nous attardons pas davantage, de peur de piétiner l'insaisissable souvenir d'une œuvre qui n'a d'écho que si elle est vécue...



A Ghost Story,
De David Lowery.
Sortie le 20 décembre 2017.

Commentaires

  1. Incroyablement bien écrit sur un film qui m'a bouleversé et ému, vous avez un sacré don !

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