Blade Runner, de Ridley Scott. Mélancolie, solitude, se perdant dans la puissance du futur.

Mélancolie et solitude, se perdant dans la puissance du futur.


La pluie s’abat sans discontinuer, premier objet d’attraction. Je ne saurais dire pourquoi, mais la pluie au cinéma m’a toujours intensément fasciné. La manière dont elle transforme les visages, dont elle suggère la mélancolie aussi peut-être. Ajoutez-y une nuit sans fin parée tant de vifs néons que de lumières « mouvantes », et de réclame abrutissante esthétisée au possible, vous obtenez un Los Angeles futuriste dans lequel 2019 se joue des extravagances que cumule déjà notre société actuelle. 

Mais voyez plus loin, concentrez-vous sur les êtres qui peuplent le film. Des êtres qui apparaissent comme des pièces rapportées, à l’étroit, pas à leur place, terriblement seules dans la nuit d’un univers trop grand pour eux (où chaque pièce, chaque élément de décor n’est qu’ingénieuse métaphore de leur solitude), dans lequel la pluie ne s’arrête jamais, tout comme le jour refuse de se lever. Répliquants, êtres humains ? Quel importance quand les sentiments étouffés, annihilés des uns deviennent réalité chez les autres ?

Puis vient cette enquête, la mission du Blade Runner. Enquête qui trouvera tout son intérêt dans sa métamorphose en quête intime pour un personnage qui ne semble réellement savoir qui il est, tant perdu qu’il est dans le brouillard de « ses souvenirs ». Perdu, quel personnage ne l’est pas, pire, qui parmi nous ne l’est pas ? En découle une errance sublime dans laquelle mélancolie et solitude se côtoient tristement pour venir constituer le vrai morceau de bravoure, la vraie beauté culte du film. En effet, je me suis longtemps demandé ce qui avait tant pu me fasciner au premier visionnage. Je l’ai compris hier, en voyant à quel point mon esprit se concentrait principalement, si ce n’est exclusivement sur la brume intérieure de ces personnages qui avancent sans but, dévorés par la peur et le regret du passé. En naît une tristesse sourde et splendide à la fois.

 Parler du futur pour mieux parler du passé… Ce passé après lequel les êtres courent dans leur quête d’idéal et face aux peurs qui les dévorent quant à l’après. Parler de l’humanité aussi et des doutes qui l’accompagnent quand on se demande où elle réside. L’humanité universelle, mais aussi l’individualité de l’être humain qui voit en sa propre disparition, l’effacement de toutes ces petites et grandes choses qui constituaient son existence. C’est cela qui effraie aussi, de savoir que l’on est rien face au temps, si ce n’est une poussière qui souffre exactement de la même obsolescence que les machines. Pessimiste, le film ne l’est pas jusqu’au bout, puisqu’il clame qu’il nous reste tout de même une seule et unique chose à faire. Dépasser sa peur propre pour se lier avec nos semblables qui ont les leurs, mêler nos souvenirs pour qu’ils perdurent, ne seraient-ce que quelques instants de plus…

“I've seen things you people wouldn't believe. Attack ships on fire off the shoulder of Orion. I watched C-beams glitter in the dark near the Tannhauser gate. All those moments will be lost in time... like tears in rain... Time to die. »
Blade Runner,
De Ridley Scott.
Sortie le 15 septembre 1982. 

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