120 Battements par minute, de Robin Campillo. Les individualités au détriment du collectif ?

Les individualités au détriment du collectif ?


Nous aimerions commencer par avouer que 120 Battements... souffre d'un syndrome bien connu des passionnés de cinéma. Le syndrome du film dont on attend tellement, que l'on s'attarde davantage sur ses défauts qu'en temps normal. C'est ainsi malheureusement que, subjugué nous l'avons été mais bouleversé, terrassé, sujet d'une grosse claque...pas au point où l'on pensait l'être. Cette critique se voudra néanmoins être aussi objective que possible car, il faut bien le dire et l'on commencera par là, 120... est un grand moment de cinéma.

L'ouverture du film se charge d'entrée de jeu de vous filer des frissons au sens le plus littéral du terme. Pourquoi ? C'est là le plus difficile à expliquer. On parlera d'une tension palpable, d'un intérêt et d'une rage invisibles mais qui pourtant affleurent déjà, et qui menacent d'exploser à tout moment afin de vous clouer sur votre fauteuil. Sentiment rendu en grande partie possible par une réalisation d'une ambition et d'une sensibilité folle, admirable. Par le biais de la caméra de Campillo, nous semblons devenir un des acteurs d'Act Up au cœur de leurs plus folles actions. Nous voilà happés au sein de cette "communauté sida", pour reprendre les termes de Didier Lestrade (CoFondateur d'Act Up), de cette communauté enragée portant sa cause jusqu'aux larmes et aux cris de révolte, de cette pluralité de militants qui partagent tous néanmoins la caractéristique d'être en vie, et de lutter POUR la vie, et CONTRE ceux qui les laissent mourir. C'est d'ailleurs selon nous ce collectif là, ce groupe entier, qui constitue le plus beau protagoniste du film et lui offre ses plus sublimes moments de grâce. On pense notamment aux actions menées (le "die in" en particulier, chargé d'une émotion et d'un engagement bouleversant), mais aussi aux si poétiques/magnifiques scènes de boite de nuit en forme d'exutoire, de catharsis esthétisée et magnifiée notamment par l'utilisation d'un simple tromboscope! 


C'est au travers de cette admiration pour le portrait d'Act Up qui est livré que nous restons dans l'incompréhension de voir le film se tourner vers les trajectoires individuelles de deux personnages (dévoilées qui plus est, de manière bien plus "conventionnelle" que le reste) au détriment du groupe... 

En ce qui concerne la photographie en revanche, l'enthousiasme est grand. On passe ainsi de nuances sombres oscillant entre le bleu et le noir qui viennent insuffler une sorte de mélancolie sourde et bouleversante (scènes de boîte de nuit une fois de plus par exemple), à des couleurs vives venant illustrer la détermination vive du groupe (exemple durant la première Gay Pride).
Autre réussite, le montage ingénieux qui offre une nouvelle texture au récit à partir du moment où l'on accepte le fait de ne pas voir tout en temps réel (le principe même du cinema si l'on y réfléchit bien!), mais bien de découvrir des faits passés/souvenirs (ce qui ne va pas s'en rappeler un certain Xavier Dolan) au fil de la narration dont se charge les personnages. Résultat, celle-ci n'en est que plus vivante et percutante. 


En bref, si certains choix de récit ont quelque peu nourri une certaine frustration, force est d'admettre que c'est bel et bien l'action dictée par la rage bouleversante des êtres humains (à l'image de cette déchirante dernière scène) qui constituent la communauté d'Act Up, magnifiée par le sensible regard de Robin Campillo, qui ont su provoqué chez nous l'impact escompté. Il est d'autant plus crucial aujourd'hui de voir des films de cette trempe là...

120 Battements par minute,
de Robin Campillo
Sortie le 23 août 2017


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